
Aux termes d’un arrêt du 14 mai 2020 (pour voir l’arrêt, cliquez ici), la Cour de cassation a rappelé qu’un maître d’ouvrage ne pouvait être dispensé de régler un solde de chantier à un constructeur si ce dernier est condamné à l’indemniser au titre de travaux de reprise.
Par Jean-Baptiste LEFEVRE, Avocat Spécialiste aux Départements Immobilier / Construction
La Cour de cassation rappelle que le principe de la réparation intégrale interdit un enrichissement du maître d’ouvrage
Pour justifier sa décision, la Cour de cassation a précisé qu’en condamnant un constructeur à prendre à sa charge des travaux de reprise de ses travaux tout en refusant de lui accorder le solde de ses factures, le maître d’ouvrage était indemnisé à deux reprises.
Cette décision est parfaitement conforme aux dispositions de l’ancien article 1149 (désormais 1231-2) du Code civil et reste dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure de la Haute juridiction, notamment son arrêt du 14 janvier 2014 (pour voir l’arrêt, cliquer ici).
Cependant, malgré cela, les juridictions du fond refusent généralement de condamner un maître d’ouvrage à régler, par principe, des travaux affectés de désordres.
En statuant ainsi, les constructeurs sont anormalement sanctionnés et ne bénéficient, au surplus, d’aucune garantie d’assurance concernant le règlement du solde de leur marché, ce qui est extrêmement pénalisant sur le plan financier.
L’arrêt du 14 mai 2020 constitue donc un signe favorable aux entreprises de construction, surtout en période de crise sanitaire.
Le maître d’ouvrage devra faire un choix stratégique
Au regard de la décision commentée, le maître d’ouvrage dispose désormais de deux possibilités.
Si le montant des travaux de reprise est supérieur au solde de chantier, il appartiendra au maître d’ouvrage de solliciter la condamnation de l’entreprise sur le fondement de sa responsabilité décennale ou contractuelle (selon les circonstances).
Si le montant des travaux de reprise est inférieur au solde de chantier, le maître d’ouvrage aura tout loisir de contester le règlement réclamé par l’entreprise de construction en invoquant une exception d’inexécution.
Cependant, dans ce dernier cas, il ne pourra plus bénéficier des garanties légales (contractuelle voire décennale), ce qui peut s’avérer risqué en cas d’aggravation des désordres.
L’entreprise de construction pourra quant à elle contester la position du maître d’ouvrage en invoquant par exemple l’existence d’une réception pour espérer recouvrir le solde de son marché.