
Une décision de sursis à statuer, opposée à une demande de permis de construire, peut être contestée en soulevant l’illégalité du plan local d’urbanisme en cours d’élaboration.
Par une décision du 22 juillet 2020 publiée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat est revenu sur une jurisprudence ancienne en estimant que le juge administratif pouvait, désormais, à l’occasion d’un recours contre une décision de sursis à statuer, exciper la légalité des dispositions du futur plan local d’urbanisme.
Par Raphaël Papin , avocat aux Départements Immobilier / Construction
La possibilité pour l’administration de sursoir à statuer
Pour bien comprendre la portée de cette décision, il faut rappeler que le code de l’urbanisme permet à l’administration d’opposer à une demande d’autorisation d’urbanisme une décision de sursis à statuer.
Elle peut notamment le faire, lorsque le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du futur plan local d’urbanisme dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (L.153-11 du code de l’urbanisme).
Les dispositions de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme définissent le régime juridique des décisions de sursis à statuer qui doivent être motivées et ne peuvent excéder deux ans.
Une pratique sévère pour le pétitionnaire
Dans la pratique, cette possibilité de sursoir à statuer s’avère parfois extrêmement sévère, un pétitionnaire pouvant se voir empêcher dans la réalisation de son projet au regard d’un plan local d’urbanisme non encore approuvé et non encore exécutoire.
Généralement, en cas de contestation d’un sursis à statuer, le débat se cristallise autours de la question de l’avancement du plan en cours d’élaboration.
En effet, pour qu’un sursis soit valablement opposé, le plan en cours d’élaboration doit être suffisamment avancé pour permettre de constater objectivement que le projet de demande sera de nature à compromettre les choix retenus par les rédacteurs du plan.
Il en va notamment ainsi lorsque, par exemple, le projet consiste à la construction d’une maison d’habitation sur un zone qui sera manifestement destinée à être préservée de toute urbanisation au regard du projet de PLU arrêté mais non encore approuvé.
Un nouveau moyen de droit contre les sursis
Il est désormais permis de contester à l’occasion d’un recours contre un sursis à statuer, la légalité de la règle prévue au futur PLU qui justifie le sursis.
Le Conseil d’Etat indique, en effet, que :
« (…) un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu’en vertu d’orientations ou de règles que le futur plan local d’urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l’installation ou l’opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution. (…) »
La contestation pourrait donc porter, au travers d’un recours contre le sursis, sur le choix de zonage ou sur les règles prévues au règlement du futur PLU non encore approuvé.
Une protection accrue des pétitionnaires
Cette décision du Conseil d’Etat est notable en ce qu’elle accroit la protection des pétitionnaires.
En effet, les décisions de sursis à statuer sont bien souvent perçues comme une application anticipée du plan local d’urbanisme en cours d’élaboration.
En contrepartie, il n’est donc pas aberrant qu’une contestation anticipée de ce même PLU soit désormais possible.